Ce petit roman ne ressemble a rien de ce que j'ai pu lire. Julie Otsuka, l'auteure, raconte, à travers le "nous", l'histoire de jeunes femmes japonaises qui rejoignent le sol américain avec leurs époux, après des mariages souvent arrangés. Se sont les voix de 10 femmes, de 100 femmes, de 1000 femmes qu'elle nous fait entendre ici. Toutes vivent l'étonnement devant ce pays qui ne ressemble en rien au leur; elles vivent aussi la souffrance, la perte de repères, la rage de devoir se soumettre aux volontés de l'homme, de la vie qu'on a choisi pour elles. A travers leurs "nous", certaines évoquent quelques petits bonheurs aussi parce que finalement, elles sont "tombées" dans une famille agréable, avec un mari attentionné... Pour d'autres en revanche, c'est le désespoir, les rêves brisés et l'enfer pour toute une vie.
Ainsi, à travers ce petit roman polyphonique, on reçoit des vies en pleine figure. On fait le tri, on imagine, on regarde chaque existence de la manière dont ces voix veulent bien nous les montrer.
C'est rapide, c'est fort, c'est puissant. C'est un poignant témoignage sans fioriture, qui nous est livré simplement, sans grande phrases et beaucoup de description, juste avec les mots que ces jeunes femmes auraient pu utiliser.
Il touche ce texte, par sa simplicité et toute les réalités qui nous sont dévoilées sans pudeur mais sans violence non plus. Je le garde près de moi, comme un petit bijou.
"Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poele à bois dans le pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. Nous avons accouché sur des îles venteuses du Delta, six mois après notre arrivée, nos bébés étaeint minuscules, translucides, et ils sont morts au bout de trois jours. Nous avons accouché neuf mois après avoir débarqué de bébés parfaits, à la tête couverte de cheveux noirs. Nous avons accouché dans des campements poussiéreux, parmi les vignes, à Elk Grove et Florin." Julie Otsuka, Certaines n'avaient Jamais vu la Mer - éd.Phébus